
La circulation du vivant en art-thérapie
Vous êtes nombreux à m’interroger sur la suite à donner aux créations qui sortent de l’atelier. A force de me retrouver moi-même avec des dizaines d’objets, poupées, collages, modelages, etc. J’ai compris qu’il y a une forme d’hygiène mentale, de purification symbolique à pratiquer régulièrement avec nos créations afin d’éviter la stagnation, de rompre régulièrement avec ce qui n’a plus besoin d’être.
Les créations qui sortent d’un atelier d’art-thérapie n’ont pas pour vocation d’être exposées ou gardées pour toujours. Même celles que l’on estime les plus réussies.
Ce ne sont pas des œuvres terminées au sens commun du terme. Elles sont au contraire le témoin d’un passage ou d’une transition de notre vie. Elles reflètent un instant précis de notre paysage intérieur.
Quand on vient juste de terminer une création dans un but thérapeutique, elle résonne fortement en nous, étant le reflet profond de notre transformation en cours.
La disposer pour l’avoir sous les yeux est au départ très constructif parce qu’elle continue de nous informer; elle dialogue avec nous et nous invite à évoluer.
Puis, à plus ou moins long terme, nous pouvons commencer à ressentir un désintérêt, que l’on peut même qualifier comme une forme de détachement. Il n’est pas forcement évident de se séparer de nos créations avec lesquelles un jour un lien fut très intense.
Quand on se retrouve face aux objets qui ont marqué nos passages, c’est autant de fragments de processus sensibles qui nous interrogent sur leur devenir. Et qui nous interroge en retour sur notre devenir.
Écouter la mémoire des formes pour libérer l’espace intérieur
J’invite à prendre chaque objet séparément et de les tenir dans la main droite, les yeux fermés, tout en les « écoutant » avec la main gauche. C’est un processus simple et intuitif.
Les mains sont sensibles et possèdent des capteurs énergétiques, elles peuvent donner de l’énergie ou en recevoir.
« Écouter » une création implique de recevoir sous n’importe quelle forme des informations sensorielles et de faire confiance à votre intuition. Elle vous dira exactement où vous en êtes avec elle. C’est possible que vous ayez dépassé la problématique qu’elle incarnait pour vous à l’époque. Dans ce cas demandez-lui ce que vous pouvez faire d’elle et elle vous répondra! La brûler? La poser dans un endroit particulier? Autre chose encore?
Peut-être au contraire elle est encore active à un endroit. Il y a quelque chose d’elle que vous avez encore besoin de comprendre: elle vous le dira. Qu’attend-elle de vous: un geste, un déplacement, une situation? Faut-il enlever ou rajouter quelque chose?
Comme toute création active, ces objets ont leur propre cycle. Savoir les écouter c’est aussi apprendre à accueillir leur fin ou leur métamorphose. C’est prolonger le travail intérieur en laissant les objets évoluer avec vous, ou s’effacer quand leur rôle est accompli.
Vous continuez ainsi à œuvrer à votre propre développement, en étant dans le mouvement, en incarnant le vivant.
« Toute créativité est un cycle, pas un événement isolé sans passé ni avenir. C’est un cycle qui s’éveille, s’élève vers un zénith, diminue, meurt, puis passe par une phase d’incubation, d’attente, pour s’éveiller de nouveau et renaitre…Et c’est ce cycle qui est juste, approprié, cohérent et sacré. »
– Clarissa Pinkola Estes, The Creative Fire: Myths ans Stories About the Cycles of Creativity ».
Sounds True 2005.
Agnès Perelmuter